Résumé des communications de la « Rencontre des doctorants d’Halma »

Le mercredi 23 mai 2018, le laboratoire Halma UMR 8164 (CNRS, Université de Lille, MCC) organise une rencontre durant laquelle des doctorants du centre de recherche présentent leur travail académique. Il s’agit d’une belle opportunité pour apprécier la recherche en cours sur des sujets aussi divers que les maisons gallo-romaines, les fontaines à Rome, l’obole à Charon, la religion des gens de métier à Ostie, ou encore les impératrices romaines.

La maison d’agglomération dans les confins septentrionaux de l’Empire : des pratiques communes ?

par Rémi Auvertin

Thèse inscrite sous le titre « Habiter en Gaule du Nord à la période romaine (Ier-IIIe siècles) : la maison au sein de l’agglomération ».
Sous la direction de Javier Arce et Xavier Deru
Voir theses.fr/s69107

Au cours de ma thèse, j’ai pu mener l’étude d’environ cinq cents habitations et quartiers d’agglomération de Gaule du Nord, occupés du 1er au 3e s. L’analyse typologique, technique et fonctionnelle rend compte d’une extrême diversité des manières d’habiter, ainsi que d’une concurrence entre des modèles locaux et méditerranéens, urbains et ruraux. La communauté locale, c’est-à-dire l’agglomération ou le quartier, fait ses choix propres qui déterminent l’apparence et la distribution de l’habitation. La comparaison de ces maisons avec celles observées en Grande- Bretagne – très bien publiées – et en en Europe de l’Est – au contraire peu documentées –, permet d’observer, au-delà des différences superficielles de plans et de matériaux, d’intéressantes similitudes : la superposition de différents répertoires architecturaux, l’influence de la construction rurale et indigène, ou la disparité des choix effectués d’un site à l’autre. Ces points communs s’expliquent autant par l’éloignement de ces régions du centre méditerranéen, que par la date tardive de leur intégration à l’Empire et par la conservation ou par la création de traditions locales. La comparaison de l’habitat donne dès lors l’occasion de réfléchir à un phénomène de métissage commun aux régions frontalières.

Après une brève introduction sur la notion d’agglomération dans le monde romain, cette communication portera sur trois aspects : les caractéristiques de la maison de Gaule du Nord durant le Haut-Empire ; l’évolution de ces traits durant l’Antiquité tardive ; la comparaison avec l’habitat de Grande-Bretagne et d’Europe de l’Est, qui permettra de dégager des phénomènes communs et une interprétation similaire de la culture romaine.

Lacus, croyances, cultes et religions :
un tour d’horizon du rapport entre le sacré et les fontaines dans la Rome païenne

par Adrien Leblond

Thèse inscrite sous le titre « Les lacus à l’époque romaine : deux cas d’études, Rome et Ostie ».
Sous la direction de Javier Arce
Voir theses.fr/s84195

Les fontaines sont très nombreuses à Rome, et très différentes ; elles ont également de multiples fonctions. Je me propose, dans cette communication, de me pencher sur le lien entre les lacus, la religion, et les croyances rencontrées à Rome. Je m’y interrogerais sur l’importance complexe de l’eau et des fontaines dans l’infrastructure des lieux de culte, comme les temples et les mithraeum, ainsi que sur leurs différentes relations avec ces lieux, qu’elles soient rituelles, architecturales, cultuelles, ou politiques.

Je me pencherais également sur le rapport entre les mythes, les superstitions et les fontaines, en explorant la relation complexe entre les nymphes et ces lacus artificiels. Je parlerais ainsi de la relation entre le domaine de la croyance et la portée pratique de certains lieux.

J’aborderais enfin les pratiques magiques liées à certains lacus. Ainsi, l’exemple bien connu des pratiques de défixio du lacus d’Anna Perenna me permettra d’envisager certains angles de recherches concernant les pratiques magiques et les superstitions populaires liées aux fontaines, que je mettrais en rapport avec d’autres pratiques superstitieuses qui ont parfois perduré longtemps après l’interdiction des cultes païens.

Fontaine de Juturne à Rome (© Adrien Leblond)

Du mythe au rite : appréhender une pratique rituelle à partir de ses traces matérielles. L’exemple des dépôts de monnaies en sépultures

par Jean-Patrick Duchemin

Thèse inscrite sous le titre « Archéologie d’un rite : les dépôts monétaires en contextes funéraires entre Seine et Rhin, de la fin de l’âge du Fer au début du haut Moyen Âge ».
Sous la direction de William Van Andringa et Jean-Marc Doyen
Voir theses.fr/s169388

Depuis de nombreuses années, l’étude des monnaies découvertes en contextes funéraires butte sur un écueil: les éléments textuels sur l’obole à Charon suffiraient à expliquer les pratiques effectivement constatées de façon directe lors de la fouille de sépultures. Or, l’importante variabilité des faits observés, dans le temps, l’espace ou les aspects précis attestent bien qu’une étude concrète basée sur des observations archéologiques précises est nécessaire pour documenter ce fait archéologique. En effet le raisonnement circulaire lié à la notion « d’obole » est l’héritage d’une vision ancienne, empreinte de religiosité contemporaine et d’ethnocentrisme et constitue de fait une impasse pour qui souhaite réfléchir sur les pratiques rituelles des sociétés anciennes.

Sans avoir à l’idée de nier toute implication dans les pratiques religieuses de ces croyances mythologiques, il nous faut admettre la véritable nécessité de « décoloniser » la religion romaine et par la même l’archéologie du rite, en lui accordant le droit à l’altérité. Nos schémas mentaux ne sont pas nécessairement ceux des populations ayant réalisé de tels gestes.

La qualité de l’investigation vers laquelle tend aujourd’hui l’archéologie ne suffit toutefois pas pour espérer reconstruire les pratiques religieuses des sociétés. La multiplicité des attitudes qu’elle met en évidence risque même de la rendre décevante si l’on continue de faire appel pour leur interprétation à des théories dépassées, plutôt que de poser aux faits matériels des questions pertinentes. Il convient donc de travailler désormais avec des concepts théoriques correctement redéfinis qui permettront d’éviter à la fois contresens et anachronismes.

Monnaie découverte sur un amas osseux de la nécropole de Porta Nocera, à Pompéi (Flore Giraud © MAPN)

Les lieux de culte des gens de métier ostiens : le reflet d’une hiérarchie sociale ?

par Aude Durand

Thèse inscrite sous le titre « Pratiques religieuses des gens de métier en Italie romaine : miroir et vecteur d’une identité socio-professionnelle ».
Sous la direction de William Van Andringa
Voir theses.fr/s169404

Les travaux pionniers de J. Andreau et de P. Veyne ont posé les bases d’une nouvelle approche de cette catégorie de la plèbe, que l’on désigne usuellement sous l’appellation commode de « gens de métier », regroupant négociants et artisans, avec toute l’hétérogénéité impliquée par ces termes à l’époque romaine. L’omniprésence des dieux dans le quotidien des hommes à l’époque antique d’une manière générale, et dans le cadre des affaires commerciales en particulier, rend légitime une approche, par le prisme de la religion, de cette catégorie d’individus, en général relativement silencieuse par ailleurs. Étudier les pratiques religieuses des gens de métier vise à en décliner les finalités et à apporter des éclairages nouveaux en matière de structuration des cadres sociétaux, de jeux de pouvoir, d’intégration sociale et de revendications identitaires : dans quelle mesure la religion permet-elle aux artisans et aux marchands de se définir (individuellement ou collectivement) et de définir leur activité ? Est-il possible d’établir une hiérarchie de la position sociale des gens de métier à partir de leurs cultes ?

La richesse exceptionnelle de la documentation épigraphique et archéologique du port principal de Rome en fait un cas particulièrement éclairant pour l’étude des lieux de culte des gens de métier et des rites associés. À travers un examen, d’ordre architectural et topographique, des espaces destinés au culte au sein des bâtiments associatifs et des établissements de travail ostiens, nous réfléchirons à la potentielle équation entre ces espaces et le rang social des gens de métier. Nous nous demanderons en particulier ce que traduit un lieu de culte sur le degré d’organisation, sur l’aisance matérielle et sur l’officialité du groupe professionnel associé, ainsi que sur sa relation avec les autorités. Nous compléterons cette étude avec les témoignages d’actes de piété, en particulier les dédicaces religieuses et les banquets rituels, toujours dans le but d’étudier le rapport entre ces pratiques cultuelles et l’insertion sociale des gens de métier en question.

Les impératrices romaines et leurs appuis au sein de la société romaine

par Estelle Berlaire Gues

Thèse inscrite sous le titre « Figures impériales au féminin : pouvoir, identités et stratégies discursives (Ier s av – IIIe après J.C) ».
Sous la direction de Stéphane Benoist et Jacqueline Fabre-Serris
Voir theses.fr/s151974

Les femmes impériales ont obtenu un statut élevé dans la société romaine depuis la mise en place du principat d’Auguste. En tant que proches de l’empereur en place, elles côtoient les sénateurs et leurs femmes, les affranchis, les médecins… Ces personnes peuvent à l’occasion devenir d’éventuels appuis.

Les auteurs anciens se penchent surtout sur la période julio-claudienne, à partir de Tibère, jugé comme un « mauvais » prince, de même que ses successeurs. Selon eux, les affranchis sont des personnes méprisables et les sénateurs approuvent lâchement les actes les plus vils. L’armée prend quant à elle une grande importance lorsqu’elle acclame Claude comme successeur de Caligula. A la lecture de ces auteurs, la société romaine est sens dessus dessous et les femmes impériales n’y ont pas peu contribué.

Depuis le règne d’Auguste, la famille impériale se caractérise par l’abondance de femmes et la faiblesse en nombre de ses membres masculins. Les questions dynastiques encouragent les impératrices à veiller sur les droits de leur(s) fils et c’est à ce titre qu’elles nouent des alliances avec différentes composantes de la société romaine. Là encore, nos auteurs se penchent avant tout sur les cas de Messaline et Agrippine pour les Julio-Claudiennes, mais les dynasties suivantes sont également concernées par ce fait puisque la question successorale est à l’ordre du jour tout au long de l’Empire.

Comment ces appuis se mettent-ils en place ? De même, de quelle manière ces appuis se retournent-ils à l’occasion contre les impératrices ?

Après la présentation générale des appuis des impératrices dans les différentes couches de la société romaine, nous prendrons deux exemples concrets en la personne de Messaline, épouse de Claude (en ce qui concerne l’armée et les affranchis) et de Lucilla, épouse de Lucius Vérus et co- impératrice aux côtés de sa mère, Faustine la Jeune.

Détail de « La Mort de Messaline » de Georges Antoine Rochegrosse (1916)

À propos …

Rencontre des doctorants d’Halma
mercredi 23 mai, de 13h30 à 18h00
Maison de la recherche – Salle F0.13
Campus du Pont de Bois (Villeneuve d’Ascq)
Université de Lille

Affiche de la Rencontre des doctorants d’Halma 2018

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Christophe Hugot, « Résumé des communications de la « Rencontre des doctorants d’Halma » », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 18 mai 2018. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2018/05/18/resume-des-communications-de-la-rencontre-des-doctorants-halma/>. Consulté le 19 March 2024.