Premières gelées

Voici les premières gelées. Nous l’avons peut-être oublié, mais c’est le moment idéal pour la cueillette du cynorhodon et la préparation de sa confiture. L’helléniste y retrouve certes des racines familières, mais que se cache-t-il derrière ce nom composé d’un chien et d’une rose ?

Le cynorhodon

Cynorhodon (photo : M-A Colbeaux)
Cynorhodon (photo : M-A Colbeaux)

Le cynorhodon, que Furetière écrit cynorrhodon, est ce rosier sauvage communément appelé églantier, dont les enfants connaissaient autrefois les vertus irritantes, ce qui lui a valu aussi le nom de « poil à gratter », voire de « gratte-cul ». Le mot est composé de deux noms grecs : ὁ κύων, ho kuôn, le chien et τὸ ῥόδον, to rhodon, la rose. De même, la langue scientifique s’appuie sur ces deux noms, en désignant cette plante rosa canina, la rose du chien. C’est Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, VIII, 63, qui explique que la racine de cette plante permet de soigner la morsure occasionnée par un chien enragé et il raconte une anecdote, à ce propos, au livre XXV, 6 :

Récemment, la mère d’un jeune homme qui était engagé dans la garde prétorienne, rêva qu’elle devait envoyer à son fils pour qu’il en boive le jus, la racine d’un rosier sauvage qu’on appelle cynorhodon, qu’elle avait vu la veille dans un fourré et qui lui avait plu. Ceci se passait en Tarraconnaise, région de l’Espagne la plus proche de nous, et le hasard fit que, le soldat qui avait été mordu par un chien, commençait à craindre l’eau quand il reçut la lettre de sa mère qui le priait d’obéir à ce signe divin, et de manière inespérée, il fut sauvé, tout comme ensuite, tous ceux qui ont testé ce même remède.

Traduction de l’édition de Karl Mayhoff, Teubner.

Et d’ajouter que jusque là, on utilisait l’intérieur du cynorhodon brûlé et mêlé à du miel pour l’alopécie.

L’églantier

L’églantier est cependant le nom le plus commun. Il repose sur l’ancien français aiglent, qui provient, après quelques évolutions, du latin classique aculeatus. La racine de cet adjectif qui signifie « qui a des aiguilles » est le nom acus, l’aiguille, à l’origine d’une famille de mots importante, depuis le vinaigre (vin piquant, littéralement) jusqu’à l’exacerbation (le fait de rendre piquant, id est d’irriter) en passant par l’acidité (ce qui pique) . Le nom français, églantier, s’appuie donc sur une caractéristique physique de la plante, munie d’aiguilles.

Cet églantier a trouvé par ailleurs une place tout à fait singulière dans la culture puisqu’il accompagne la Vierge, sur de nombreuses représentations : la fleur, qui compte cinq pétales, représente en effet la virginité de Marie et les cinq blessures du Christ. Rappelons-nous, par exemple, Zola, dans La faute de l’abbé Mouret, livre I, XVII, qui propose une ekphrasis d’une Vierge à l’églantier mystique, sur le même thème que, par exemple, La Vierge à l’églantine, de Mainardi, présent au Musée des Beaux-Arts de Lille.

Églantier (photo : M-A Colbeaux)
Églantier (photo : M-A Colbeaux)

Pour en savoir plus

D’une manière plus générale, sur les plantes, voir l’ouvrage particulièrement riche de Suzanne Amigues, Études de botanique antique, Paris, 2002, [localiser l’ouvrage] ainsi que son édition des Recherches sur les plantes, de Théophraste, aux Belles Lettres [localiser les ouvrages].

Références d’auteurs anciens :

Lire aussi sur Insula :

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Marie-Andrée Colbeaux, « Premières gelées », Insula [En ligne], ISSN 2427-8297, mis en ligne le 28 novembre 2010. URL : <https://insula.univ-lille.fr/2010/11/28/cynorhodon-eglantier/>. Consulté le 29 March 2024.